Au travers des fenêtres de la voiture défile un magnifique tableau animé. Des conifères habillés de neige se succèdent à l’infini, telle une longue parade. Nous roulons vers le Nord, vers Chibougamau plus précisément, et traversons la réserve faunique Ashuapmushuan. C’est que notre amie Julie nous a invités, Olivier et moi, pour un prometteur week-end de pêche sur glace, raquettes en babiche et brunch du dimanche. Ça fait tellement longtemps qu’elle nous supplie d’aller visiter sa Jamésie!
« Jamésie, j’adore ce mot. » me lance tout bonnement Olivier, hypnotisé par ces fantômes verts et blancs qui nous montrent le chemin. « Il y a quelque chose de vivant là-dedans, quelque chose qui va au-delà des frontières… ». Les mots Gaspésie et Iroquoisie nous viennent alors en tête. Il n’en faut pas plus pour nous replonger dans nos épiques conversations de char où l’on refait le monde, jonglons avec nos idées… et nos projets.
Nous cherchons à ce moment le titre de notre prochain film.
Et c’est là, perdus au beau milieu des épinettes, que l’idée nous est venue. QUÉBÉCOISIE. « Wow! Ça ne peut être que ça! ». L’un de nous, car il faut bien avouer qu’à passer autant de temps ensemble, on ne sait plus toujours d’où viennent les idées sources, un peu de nous deux j’imagine… Donc l’un de nous dit : « Dans toute sa poésie, on dirait que ce mot, Québécoisie, fait référence à un espace aux frontières très floues, très vagues, un espace plutôt… apolitique. Un mot qui fait écho à un immense territoire où les animaux courent, les rivières coulent et où plusieurs peuples cohabitent… ». (…) « Ouin… Québécoisie, c’est exactement le mot qu’il nous faut pour refléter ce rêve que ces peuples qui cohabitent aient envie de valser ensemble à nouveau. »
Une Québécoisie utopique me direz-vous, mais une Québécoisie qui a le potentiel d’exister.
En arrivant chez notre amie Julie, nous sautons sur l’ordinateur pour voir si Québécoisie est un « nouveau mot » ou s’il existe déjà. Nous tombons sur Pierre Perrault, l’un des plus grands poètes-cinéastes québécois de qui, comme plusieurs, nous nous inspirons beaucoup. Semble-t-il qu’il aurait utilisé ce mot à quelques reprises.
Mais Québécoisie avec un « c » nous laisse sur l’idée du Québec actuel. Alors que le film dont nous rêvons propose autre chose… Nous pensons alors à Kébékoisie ou encore Kébécoisie avec un « K » au tout début. Kebec réfère cette fois aux premiers temps de la colonie. L’origine de ce mot est encore débattue de nos jours. Pour certains, c’est Champlain qui, naviguant sur le fleuve Saint-Laurent, aurait entendu des Algonquins utiliser ce mot signifiant « là où la rivière se rétrécit » en parlant du lieu où il fonda par la suite la ville de Québec. Pour d’autres, ce mot serait plutôt d’origine micmaque. Lorsque Champlain est arrivé près des côtes, il aurait rencontré des Micmacs qui l’invitaient à descendre de son bateau en scandant : Kepec! (Descendez!).
Puis nous nous sommes dits qu’il y avait quelque chose à réinventer. Ou plutôt à retrouver.
Après maintes tergiversassions, nous convenons d’écrire QUÉBÉKOISIE avec un K en plein centre. Pour ramener la consonance autochtone. Un K qui repositionne l’équilibre, tel un pilier.